Un conseil d’administration s’est tenu le 17 décembre 2024. Dans l’ordre du jour gigantesque, se trouvaient deux points capitaux pour le fonctionnement de ce mastodonte de l’ESR élitiste français : l’élection de son nouveau président et le vote du budget.
Un peu d’animation bienvenue : bravo aux étudiant·e·s de PSL
La mécanique bien huilée (dans laquelle on essaie d’être de modestes grains de sable) de cette chambre d’enregistrement des décisions du directoire qu’est le CA fut stoppée net en début de séance par l’envahissement de la séance par un groupe d’étudiant·es soutien de la cause palestinienne et libyenne. Mobilisé depuis plus d’un an contre les massacres et aux horreurs commises par l’état israélien, ce collectif militant agit à l’échelle de PSL, et demande en autre, l’arrêt des accords académiques avec les universités israéliennes complices du génocide en cours en Palestine (d’autres collectifs existent aussi dans des établissements membres, comme à Dauphine par exemple).
Ces étudiant·e·s ont déjà obtenu une réunion avec le bureau du directoire pour demander d’actions concrètes face à l’horreur se déroulant quotidiennement. Malheureusement, rien ne s’est passé à la suite de cette réunion. Ils et elles ont donc, à raison, décidé de venir occuper le CA pour exiger qu’un point soit ajouté à l’ordre du jour. Nous avons soutenu évidemment la demande. De nombreux·ses membres du CA se sont offusqué·es des méthodes, parlant même de prise d’otage… Ils et elles ont essayé par tous les moyens « réglementaires » de montrer que c’est parce que les étudiant·e·s n’ont pas suivi les démarches que le point n’a pas pu être ajouté à l’ordre du jour, esquivant par la même toute responsabilité et prise de position.
Notons au passage que, comme il nous a aussi été dit à Dauphine, la dissymétrie entre le traitement de la guerre et Ukraine et la guerre en Palestine s’explique très simplement : pour l’arrêt de tout accord accadémique avec la Russie, cela a été immédiat car c’était une directive du ministère. Pour Israël, il n’en pas. Les établissements de PSL auraient pu prendre l’initiative mais cela n’a pas été fait…
Face à cette occupation, il a été convenu de mettre à l’ordre du jour du prochain CA de janvier la question des partenariats avec les universités israéliennes ainsi que les actions concrètes de solidarité avec les peuples palestinien et libyen. Pour cela, nous avons insisté sur la demande des étudiant·e·s d’obtenir la liste des partenariats académiques avec les université israéliennes pour tous les établissements de PSL (obligation légale de la fournir). Des échanges entre les établissements, l’administration et les élu.es doivent avoir lieu en amont pour centraliser les informations et permettre un débat argumenté.
« Élection » du président
El Mouhoub Mouhoud, président par intérim depuis le départ d’Alain Fuchs, a été présenté comme unique candidat d’un processus électoral complètement délirant. Ce processus est l’illustration parfaite de la couche technocratique et antidémocratique qu’est PSL.
Tout d’abord un « search comitee » avec des membres « experts » extérieurs a « cherché » des candidat·e·s qu’il a proposé au comité électoral (composé de quelques membres du CA, professeur ou membre du directoire, toujours avec les élus minoritaires évidemment), qui, enfin, a donné un nom (ou plusieurs noms, nous ne le saurons jamais) au directoire. Celui-ci a alors « étudié » la candidature et l’a voté. Il l’a alors soumis au CA pour faire enregistrer sa décision. Rappelons que les élu·e·s au CA sont minoritaires, et que le directoire, et ses personnalités extérieures affiliées, a la majorité absolue. Bref, une mascarade pseudo démocratique : le président n’est même pas l’émanation du CA pour lequel de nouvelles élections vont avoir lieu début 2025…
Nous avons tout de même profité de la présentation de El Mouhoub Mouhoud pour faire quelques commentaires et lui poser quelques questions.
Son « programme » de 6 pages s’inscrit dans la droite ligne de ce qui a été entrepris sous la dernière mandature. C’est un projet d’approfondissement de ce qui a été fait par la précédente présidence.
Nous avons retrouvé, dans son discours et dans les écrits accompagnant la candidature, le discours élitiste de l’excellence qui caractérise la démarche de différenciation au sein de l’ESR propre aux établissements membres de PSL et plus généralement de l’UDICE. On comprend ainsi pourquoi on retrouve dans ce programme 16 occurrence du terme « excellence » et aucune occurrence du terme « service public ».
Nous avons aussi été très surpris que rien ne traite d’environnement, et de l’urgence climatique. Il semble faire comme si l’université n’avait pas à intérioriser la contrainte environnementale, que ce soit au niveau du siège ou des établissements, comme si l’université n’avait pas à penser ses pratiques à l’aune de cette crise. Est-ce que la recherche peut continuer à agir comme si de rien n’était… Cela illustre un sens très singulier de la responsabilité que doit endosser le président de PSL. El Mouhoub Mouhoud a répondu que son bilan à Dauphine parle de lui même…
Dans le programme du président, il y avait un axe très important d’internationnalisation de PSL. Nous lui avons demandé s’il avait fait un calcul du coût écologique d’une telle politique, ce qu’il n’a évidemment pas fait.
Son programme a mis l’accent sur un pseudo-nouveau modèle de gouvernance, avec une volonté de renforcer le rôle coordinateur du bureau et le rôle du Sénat sur les questions stratégiques. Sur ces mêmes questions stratégiques il est mentionné autre part le rôle du directoire. Évidemment, à aucun moment il est fait mention du Conseil d’administration comme une instance qui pourrait participer à améliorer la collégialité de notre institution. El Mouhoub Mouhoud a répondu qu’évidemment qu’il fallait plus impliqué le CA que par le passé.
Dans son programme, comme nous l’avons dit, le concept défini en creux de l’excellence est central. Cela se retrouve dans la volonté de créer des dispositifs internes d’excellence type « IUF » ou de renforcer l’attractivité des chercheur/ses excellent·e·s internationaux comme la volonté de mettre en place des statuts de professeur·e·s attaché·e·s. Dans tout ceci, il ne s’agit pas de créer les conditions d’une amélioration des conditions de travail pour les moins bien loti mais de créer les conditions d’institutionnalisation d’une caste au dessus de la mêlée. Pour les personnels hors EC et C, notamment les BIATSS, en revanche, aucun mot…
Dans la discussion, le président a beaucoup insisté sur le fait que PSL devait permettre une « innovation discruptives », et qu’il fallait permettre la recherche risquée, notamment grâce aux financements sur projets. Nous sommes intervenus pour dire que justement, les appels à projets avaient sans doute plus le rôle d’orientation de la recherche dans ce qui semble dans l’« air du temps », et donc, qu’en plus de produire de la recherche court-termiste, cela créait de la conformité.
L’élection du président par intérim s’est fait au lendemain des scores effrayants du Front National aux élections législatives. Nous étions déjà intervenus sur cette question à ce moment-là, et nous avons réitéré nos commentaires et questionnements. La montée des idées réactionnaires et de l’obscurantisme est extrêmement préoccupant. La liberté académique est attaquée, les chercheurs/ses sont attaqué·es dans leurs prises de parole (avec la chasse au wokisme, etc.). L’université doit être un lieu de débat, de contradiction, et d’élaboration, et au train ou va la société, la résistance va être rude. Sur ce point, El Mouhoub Mouhoud a répondu que le rôle de l’université, c’est d’alimenter la société par la recherche et que la recherche participe à la lutte contre le complotisme. CQFD.
Nous n’avons pas occupé plus l’espace en CA (sans nous, ce CA serait bien morne…). Nous vous renvoyons à son «programme» pour plus de détails. Relevons quelques pépites néolibérales tout de même : un statut étudiant « change maker », le développement des « marques de PSL », « top 10 mondial », etc.
Il faudrait faire un commentaire point par point de son programme, et nous avons beaucoup de choses à dire, cependant, contrairement aux professionnels de la gouvernance qui nous dirigent, le travail d’élus est en plus de nos activités principal de support, d’administration, d’enseignement et de recherche, et le temps nous manque.
Votes
Pour cette fois, nous avons expliqué que comme c’est une mascarade électorale, que le CA est une chambre d’enregistrement, que le processus de décision est obscure, que nous n’avons pas été impliqués dans le processus et, qu’in fine, le rôle de n’importe quel président de PSL est de faire fonctionner une couche technocratique, élitiste, antidémocratique et néolibérale, nous n’allions pas prendre par au vote. Ce pour cela qu’il n’y a qu’un vote contre, et pas nos 5 traditionnels votes contre.
Vote du budget
«Consultation électronique» pour le reste de l’ODJ
Comme à 17h le CA a été ajourné, le reste des points à l’odre du jour ont été soumis sous forme de consultation électronique à faire dans la journée du 18… Au moins, il n’y a plus de faux semblants de discussion, de collectif délibératif, on enregistre, c’est tout…