Budget initial et prix Nobel

Le conseil d’administration du 18 décembre 2020 était essentiellement dédié à l’examen et au vote du budget initial de l’université PSL. Nous avons demandé avec d’autres élu·es à ce qu’une discussion générale sur la loi de programme de la loi soit ait également lieu durant cette séance. Celle-ci n’a pas pu se dérouler le 18 décembre mais lors d’une séance exceptionnelle le 21 janvier 2021.

Alain Fuchs a profité du conseil d’administration du 18 décembre 2020 pour présenter la nouvelle équipe de vice-président·e·s. D’autres sujets importants également à l’ordre du jour comme la hausse des frais d’inscription pour les étudiants extra-communautaires et le mécénat ont également été abordés et sont traités dans cet autre billet.

Budget initial

Le vote du budget initial est un moment important dans la vie administrative de l’université car au delà des obstacles très techniques que doivent surmonter les élu·es pour s’en saisir, il reflète les choix stratégiques qui sont faits pour l’université.

Extrait de la présentation par la direction financière. EPE = Établissement public expérimental. Par opposition à la FCS = fondation de coopération scientifique. Un peu de jargon. AE = Autorisations d’engagement. CP = crédits de paiement.

Nous avons déjà commenté le budget dans notre précédent compte-rendu à l’occasion du vote du cadrage. Les discussions sur le budget initial confirme le diagnostic que nous en avions fait : « On en retient que 50 millions d’argent public sont essentiellement utilisés pour du financement de la recherche sur projets, sont dépensés par un très petit nombre d’entre nous, mais aussi destinés à des projets pédagogiques dérogeant au cadre national des diplômes et des personnels hors de la fonction publique d’État. »

Évoquons tout de même rapidement la séance proprement dite. Dans sa présentation, Alain Fuchs a expliqué pourquoi le budget de la fondation PSL est présentée conjointement à celui de l’université. Il explique qu’il s’agit de mieux comprendre les enjeux, notamment en termes de masse salariale et de subventions d’un établissement à l’autre. La directrice financière insiste, elle, sur les implications de la pérennisation de l’IDEX, avec notamment une augmentation très significative des ressources (l’argent qui rentre !).

Répartition des budgets 2021 dédiés à la recherche entre établissements-composantes.

En bref, PSL c’est un budget de 50 millions d’euros, 85% de ressources provenant des investissements d’avenir, 48% de dépenses pour la recherche, 20% en salaires des personnels PSL et plus de 8% d’immobilier (achat et location). Pour les dépenses en recherche, la moitié ne fait que transiter (LABEX, EUR, etc) (puisque finalement consommée et gérée par les établissements-membres), un quart est destiné aux programmes gradués et un quart est consacré aux contrats doctoraux.

Masse salariale sur financements propres. On voit apparaître les 900 000 euros de salaire prévu pour le prix Nobel et les dépenses pour le diplôme Sciences pour un Monde Durable (DSMD), autrement appelée licence BNP.

Avant de passer au scandale de la chaire AFD, signalons que nous avons également appris à l’occasion d’une question d’un élu que PSL avait pris à sa charge une créance en souffrance de l’institut P. Gilles de Gennes d’un montant de 250 000 euros.

Cinq millions pour un prix Nobel

La présentation conjointe des budgets de l’université et de la fondation de coopération scientifique se révèle fort instructive. Il n’aura échappé à personne que la fondation sert non seulement à « lever des fonds privés » mais aussi à passer outre un certain nombre de règles qui gouvernent les universités et accessoirement (ou non) à éloigner du regard de la communauté un certain nombre d’opérations peu reluisantes. Le présentation « consolidée » du budget illustre pourtant qu’il est impossible que comprendre l’économie générale de PSL sans la prise en compte des agissements de la FCS. Reste que les éléments comptables présentés laissent dans l’ombre un certains nombre d’éléments notamment les montants offerts par chacun des mécènes à la FCS.

Mais venons-en à la chaire AFD. Celle-ci se montre particulièrement novatrice et dispendieuse en matière de recrutement de recherche puisqu’elle prévoit un montant de 950 000 euros par an pendant 5 ans, dont 900 000 euros en masse salariale. Il s’agit d’une opération pilotée par le gouvernement Castex pour accueillir un prix Nobel d’économie, Abhijit Banerjee, actuellement professeur au MIT et membre du laboratoire J-PAL – comme Esther Duflo également prix Nobel d’économie et également de retour en France après un séjour au MIT – sur un poste de type « CDI de chantier ».

«  Ces spécialistes de la pauvreté se sont habitués à des salaires confortables.  »

Un élu du conseil d’administration de la liste « Pour une Université PSL fédératrice ».

Les membres du comité de direction se sont de suite félicités de l’arrivée à PSL de cet économiste à la renommée internationale. Nous n’avons évidemment pas parler de science, ce qui nous aurait peut-être amené à souligner les sous-jacents théoriques discutables des méthodes valorisées au sein du J-PAL ou les biais empiriques induits par la méthode. Nous n’avons pas non plus discuté du geste très politique opéré ainsi par l’AFD puisque les travaux dirigés par M. Banerjee et Mme Duflo n’apparaissaient pas comme très bien vu par l’économiste en chef de cette institution. Qu’à cela ne tienne, il semble politiquement important pour certain.e.s de valoriser ces travaux dans une période où il s’agit de déployer largement les outils discutables imaginés par les membres du J-PAL pour évaluer l’efficacité des politiques publiques dans l’hexagone. Les effets délétères du déploiement de ces outils se donnent déjà à voir dans le champ des politiques d’emploi et ce n’est pas sans susciter un certain nombre de problèmes et de controverses. Bref, nous sommes là face à un geste très politique.

Voici un autre projet étonnant porté par la fondation : la Red Team développée par le ministère de la Défense. « [Celle-ci] a pour mission d’imaginer et de créer des scénarios futuristes et disruptifs au profit de l’innovation de défense ». Il s’agit « d’anticiper les risques technologiques, économiques, sociétaux et environnementaux susceptibles d’engendrer de potentielles conflictualités à l’horizon 2030-2060. La Red Team défense est composée d’une dizaine d’auteurs et de scénaristes de science-fiction travaillant étroitement avec des experts scientifiques et militaires. » A n’en pas douter, nous aurons à reparler de ce projet.

Comex, frais d’inscription et frais de bouche

Ce post fait suite à cet autre billet consacré à la séance du 18 décembre 2020. Outre le renouvellement de la plupart des vice-président·es, nous évoquons ici le débat sur la hausse des frais d’inscription pour les étudiants extra-communautaires et les frais de bouche dispendieux du Conseil d’Orientation Stratégique.

Nouvelle équipe de vice-président·es

Nouvelle gestion publique oblige, les vice-président·es font partie de ce qui est désormais appelé le Comex (comprenez comité exécutif) de PSL. Comme annoncé l’année dernière, l’équipe des vice-président·es avait été conservée jusqu’à la pérennisation de l’IDEX. Le président présente donc aujourd’hui deux candidats et une candidate, l’un des postes restant à pourvoir. Le candidat à la vice-présidence Recherche est ingénieur de formation et enseigne la physique des ondes à l’ESPCI. La candidate à la vice-présidence Formation est issue du département des études cognitives de l’ENS. Enfin le candidat à la vice-présidence Développement est docteur en sciences de gestion des Mines et c’est le seul à être déjà en poste.

Rémi Carminati, nouveau vice-président Recherche
(source : site de PSL).

Nous nous sommes abstenu·es car la présentation par les candidats et candidate confirme les orientations choisies par l’équipe précédente, orientations dans lesquelles nous ne nous retrouvons pas. La question de la représentation des sciences humaines et sociales, notamment de la littérature, de l’histoire, de la philosophie etc. a été soulevé ce qui n’a pas fait évoluer l’équilibre des discipline au sein de l’équipe présidentiel. C’est en effet une enseignante en marketing qui a été proposée et désignée pour le dernier poste de vice-président.e Vie étudiante et responsabilité sociale.

Hausse des frais d’inscription

La question de la hausse des frais d’inscription pour les étudiant·es non communautaires a aussi été débattue. PSL doit en effet appliquer une loi qui a été fortement contestée par la communauté universitaire et qui prévoit que « certains étudiants étrangers, extra-communautaires, en mobilité internationale diplômante, seront assujettis aux droits d’inscription différenciés, d’un montant de 2 770 € pour les diplômes nationaux relevant du premier cycle et d’un montant de 3 770 € pour les diplômes nationaux relevant des autres cycles d’études. »

Un certain nombre d’universités se sont prononcés contre cette hausse, voir le site de Sauvons l’université.

25 institutions d’enseignement supérieur (24 universités sur les 75 universités en France, et l’EHESS) se sont prononcées fermement contre l’augmentation des frais d’inscription depuis le 19 novembre 2018. Il s’agit des universités de Lorraine, Paris-Sud, Paris 8, Paris 13, Paris 3, Grenoble, Clermont-Ferrand, Aix-Marseille, Rennes 1, Rennes 2, Angers, Paris Nanterre, Toulouse 2, Tours, Le Mans, Caen, Strasbourg, Rouen et Lyon 2, Reims. La plupart ont annoncé une non application de la hausse des frais d’inscription pour les étudiants extra-communautaires pour la rentrée 2019-2020.

Sauvons l’Université !

Le document qui était soumis au vote précise que « certains étudiants […] peuvent être totalement ou partiellement exonérés par le président de leur établissement des droits d’inscription afférents à la préparation d’un diplôme national ou du titre d’ingénieur diplômé, dans la limite de 10% des étudiants inscrits hors boursiers de l’Etat. » Il se trouve que les étudiant·es relevant de PSL qui seraient susceptibles de devoir payer ces frais peuvent tou·tes être exonéré·es.

En dépit d’un échange en amont avec quelques membres de « Dauphine contre-attaque » d’une part et de la mauvaise foi de la présidence d’autre part, qualifiant de fantasmes les protestations contre ce dispositif, il nous semblait délicat de voter contre un texte qui acte l’exonération de frais d’inscription pour les étudiant·es extra-communautaires. Nous nous sommes donc abstenu·es.

Mécénat

Parmi les documents mis à la disposition des membres du conseil, figurait le modèle de convention de mécénat dont voici un extrait :

Située au cœur de Paris, l’Université PSL fait dialoguer tous les domaines du savoir, de l’innovation et de la création en arts, ingénierie, sciences, sciences humaines et sociales. Sélective et engagée en faveur de l’égalité des chances, elle forme au plus près de la recherche en train de se faire, des chercheurs, artistes, entrepreneurs et des dirigeants conscients de leur responsabilité sociale, individuelle et collective.

Extrait du modèle de convention de mécénat

Tout est maintenant ficelé pour faire de cette politique un bras armé financier de l’institution. Pas plus de précision sur la «  clause de non dénigrement  » ou le montant des apports des différents mécènes de la Licence BNP mais, assurément, c’est un sujet dont on reparlera.

Les petits gueuletons du Conseil d’Orientation

Un certain nombre d’autres points composait l’ordre du jour de ce conseil. Alain Fuchs demande notamment au CA d’approuver la politique de prise en charge des frais de déplacement et de réception des agents et personnels extérieurs. Ce document, qui relève déjà le montant de prise en charge par rapport au cadre national, prévoit de surcroît que les frais de repas, fixés à 30€, peuvent exceptionnellement s’élever à 100€ par personne et par repas « en fonction de la qualité de l’invité ».

La grande bouffe (1973).

Le directeur général des services (DGS) Cédric Prunier précise qu’il s’agit notamment des repas du Conseil d’Orientation Stratégique, composé de « personnalités importantes qu’il n’est pas possible de rémunérer ». Nous demandons le retrait de cette disposition. Mais le montant de ces frais de bouche, payés par le contribuable, ne semblent manifestement indécents qu’à nous car les autres membres du CA approuvent tous le document en l’état.